Les électeurs britanniques se sont exprimés en faveur d’un retrait de l’Union européenne ce jeudi 23 juin 2016. Un scrutin historique qui passe mal.
La nausée
Comme beaucoup de monde ce matin, c’est avec une boule au ventre que je me suis réveillé. Dégoûté, comme la plupart des citoyens croyant au projet européen. Comme la plupart des jeunes de mon âge aussi, qui ont massivement votés pour un maintien dans l’Union.
Ce matin, j’ai la nausée. La nausée à l’idée d’un repli sur soi, et du risque qu’il représente non pas pour les britanniques, mais pour l’Europe toute entière. Pour cette irresponsabilité anglaise, qui, égoïste, et non sans ironie, engage toute l’Europe dans l’inconnu en voulant justement retrouver son indépendance.
J’ai la nausée en tant que Français vivant au Royaume-Uni, étant bien au fait des enjeux de la campagne – l’immigration – et les implications de ce vote. Européens de tous bords, nous nous sentons rejetés ce matin.
J’ai la nausée car je sais qu’il ne s’agit que de la première étape d’un processus au long court, et que nous allons bouffer du Brexit jusqu’à écœurement pendant encore des années.
J’ai la nausée en repensant à cette campagne qui n’a fait rêver personne. Qui n’a pas su se hisser à la hauteur de ses enjeux. Plutôt que de traiter du projet européen, de ses raisons, de ce qui peut être fait pour l’améliorer, la campagne aura rapidement balayé la question économique et ce sera focalisée sur la peur de l’immigration et la haine d’un supposé élitisme. Elle aura fait appel aux bas instincts, poussant les électeurs à voter avec leur tripes et non pas avec leur cœur.
J’ai la nausée enfin, devant l’injustice de ne pas avoir pu prendre part à ce scrutin, pour des raisons qui me dépassent encore. Trop biaisé pour pouvoir participer ? Mais n’est-ce pas le sens même du suffrage ?
Les mains sales
A qui la faute ?
À l’Union Européenne tout d’abord, évidemment. Qui ne sait pas s’adresser à sa population. Déconnectée, elle n’est même pas capable d’adresser les défis de ce siècle, comme nous avons pu le constater avec amertume avec la gestion de la crise migratoire notamment.
Aux politiciens nationaux, toujours prêts à agiter l’épouvantail Bruxellois pour justifier des lois et actions qu’ils n’assument pas. Qui n’ont pas su apprécier la déconnexion de la métropole avec la périphérie. Qui, persistant dans l’austérité, n’entendent pas le mal-être, la crise sociale qui fait rage, dans des régions qui n’ont pas vu d’investissement depuis une génération.
A David Cameron, qui a été assez égoïste pour accepter en 2013 de poser LA question, afin de garder son poste un peu plus longtemps et qui, pour quelques « backbenchers » a joué avec ce qui relève de politique à l’échelle mondiale, pour régler un conflit interne à son parti.
Aux populistes, apprentis alchimistes, mélangeant les peurs, jouant avec le feu, usant de discours simplistes, qui ne grandissent pas la politique et ne construisent que très peu. Le monde se complexifie. Plutôt que de faire preuve de pédagogie, le populisme prétend résoudre les problèmes avec des raisonnements prêt à penser, et faisant appel aux pulsions négatives. Leur victoire ne les grandit pas.
Aux seniors enfin, ayant préféré le repli sur soi, qui engagent une fois encore la jeune génération, pleine d’espoir, qui s’est exprimée pour l’Europe et pour l’ouverture vers le monde.
Tout le monde s’est trompé. Les bookmakers, les sondeurs, les marchés, qui tous depuis l’assassinat de Jo Cox, s’étaient persuadés que le Bremain était acquis.
Ce n’est aujourd’hui que le début. La suite s’annonce tout aussi pénible. Que cela serve d’avertissement pour les élections à venir. Le Pen en France, Trump aux Etats-Unis … Tout est possible.