Au-delà des questions de négociations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne ou de réformes possibles du projet européen, largement commentées, j’aimerais attirer l’attention sur les nombreux enseignements du scrutin référendaire du 23 juin 2016 pouvant éclairer certains phénomènes électoraux déjà observés lors de scrutins précédents, dépassant le simple cas britannique et pouvant s’appliquer également en France.
Tout d’abord, beaucoup s’accordent à dire que la campagne n’a pas été à la hauteur de ses enjeux. Les partisans du IN, jouant sur l’argument économique, n’ont pas réussi à fédérer au-delà des convaincus, et n’ont su proposer une narration sérieuse de la question européenne. Techniques, technocratiques, souvent perçues comme condescendantes, les arguments pro-remain n’ont pas résonné ; la campagne n’a pas trouvé de dynamique, et n’a pas répondu aux préoccupations des électeurs du OUT. Les 48 % d’électeurs du IN se composent largement d’électeurs des métropoles multiculturelles, appartenant souvent à des catégories socioprofessionnelles plus aisées, ou encore des générations les plus jeunes. Ces groupes, bénéficiant de la mondialisation, n’ont pas su s’adresser aux populations plus modestes, plus conservatrices, périphériques, ou âgées. Les électorats se divisent de plus en plus, en groupes de moins en moins poreux, et ce phénomène représente un risque pour l’intérêt commun et l’unité d’un pays – des thèses déjà commentées par de nombreux travaux, notamment chez le démographe Christophe Guilluy.
La réussite électorale des partisans du OUT n’a d’égale que leur échec à proposer la moindre alternative crédible une fois la victoire en poche. Désordonnés, surpris même d’avoir gagnés, leurs mensonges n’ont pas tenu 24h et personne n’était prêt à gérer la situation dans laquelle ils nous ont menés. Proposant des « solutions » simplistes, quand elles ne sont pas simplement erronées ou mensongères, les populistes nous ont montré que s’ils sont capables de faire passer leurs idées et remporter un scrutin, ils sont incapables de délivrer leurs promesses, d’assumer leur victoire et d’exercer le pouvoir. Cette victoire doit souligner qu’il n’y a pas de plafond de verre à leurs scores et que les populistes peuvent gagner : le rejet, la haine et la colère montent, en Europe comme aux États-Unis avec l’irrésistible ascension de Trump. Le désordre politique et économique qui a suivi, quant à lui, doit servir de démonstration du risque et de l’instabilité que ces victoires représentent.
Enfin, la question de la participation reste centrale, car si les jeunes générations ont voté pour le maintien dans l’Union, leur participation au scrutin est beaucoup plus faible que celles de leurs aînés. Un phénomène pas très récent, qui souligne peut-être un désaveu de la question politique par des jeunes qui ne voient pas l’utilité de leur vote. Les solutions existent. On le sait, les jeunes, mobiles, sont souvent mal ou non inscrits sur les listes électorales, ce qui représente un frein à leur expression dans les urnes. Simplifier les démarches et rendre l’inscription sur les listes obligatoires après un déménagement sont des pistes envisageables. Aussi, un abstentionniste sur deux est favorable au vote sur internet, dont bénéficient les Français de l’étranger. La question du vote obligatoire, passant de droit à devoir, des scrutins proportionnels, ou de la reconnaissance du vote blanc, mérite également d’être étudiée.
Tirer les leçons des campagnes du Brexit et du Bremain, et de la répartition des votes sur les catégories de population, nous est indispensable afin de mettre un terme à la spirale de l’échec, pour les élections à venir – et ce dès 2017.
Ce texte est issue d’une motion publiée par le parti socialiste de Londres
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